UNE ROCHE FORTE
Des fouilles archéologiques ont révélé des traces gallo-romaines attestant d’une présence remontant à plus de 2000 ans dans ce secteur de la Bretagne. Ce site s’avère en effet stratégique, par sa situation et les caractéristiques géologiques du massif des landes de Lanvaux à cet endroit. Au débouché de la vallée de Gueuzon, Rochefort-en-Terre se dresse en effet sur un promontoire, point de passage obligé entre les communes de Malestroit, située à l’intérieur des terres, et la Roche-Bernard, qui s’ouvre vers la mer.
Les traces écrites restent évidement très succinctes voir inexistantes, selon les périodes étudiées, et les premières certitudes sont du XI siècle.
LE MOYEN ÂGE: UNE SEIGNEURIE PUISSANTE
C’est au début de ce onzième siècle que se font jour les premières mentions de l’installation d’une seigneurie à cet endroit. Un château est y construit sur des anciennes fortifications gallo-romaines. La cité fait alors partie du comté de Vannes et dépend de la grande seigneurie d’Elven. Sa division au début du XIIe siècle est à l’origine de la seigneurie de Rochefort, qui comptera 11 paroisses.
Pendant quatre siècles, les seigneurs de Rochefort, et ensuite les De Rieux-Rochefort, vont asseoir la position de la commune et exercer une influence considérable sur le plan politique, religieux et économique. Quatre siècles de pouvoir d’ Abbon de Rochefort, vers 1100, à Claude II de Rieux-Rochefort, qui disparaît sans héritier direct en 1548. Quatre siècles au cours desquels la cité devient une place forte mais aussi un lieu de pèlerinage important.
Des moines de l’abbaye de Redon s’installent dans la cité dès le début du XI siècle, au lieu dit la Grêle. Il reste aujourd’hui à cet endroit une chapelle, la chapelle Saint Michel. Cette abbaye de Redon est alors une des plus puissantes de la Chrétienté et son emprise s’exerce sur toute la Bretagne. L’influence religieuse de la cité se développe après qu’ une jeune bergère ait trouvé une vierge à l’enfant, dissimulée dans un tronc d’arbre. C’est du moins ce que raconte la légende. Ce sera l’acte de naissance de l’église Notre Dame de la Tronchaye. Il est en effet décidé la construction d’une chapelle à l’endroit même de la découverte. Celle-ci devient par la volonté de Jean IV de Rieux, comte de Rochefort et maréchal de Bretagne, collégiale à la fin du XVième siècle. Rochefort devient incontournable sur la route de Saint- Jacques- de- Compostelle. Le collège des chanoines ne disparaitra qu’à la Révolution.
Un développement rapide
Le village connait une extension rapide, mais sa configuration d’alors diffère beaucoup de la cité actuelle. Le développement du bourg se fait en effet au nord du château, sur la route qui relie Malestroit à la Roche Bernard. C’est le vieux bourg aujourd’hui. Développement étonnant, qui révèle que les fortifications de la cité n’ont jamais été une priorité. Le haut du bourg, la ville haute, se fait dans un second temps, avec la venue des chanoines de la collégiale et de leurs gens. Elle voit aussi s’installer les gens de robe, avocats, greffiers, notaires et sénéchaux, car les seigneurs de Rochefort avaient droit de haute, moyenne et basse justice. La ferveur religieuse est très forte et la construction de nombreuses chapelles en témoigne.
de 1488 à 1790, les années tourmentées
Le nom des Rochefort s’ éteint avec la mort de Thébaud IV en 1371. Sa sœur Jeanne épouse Jean II de Rieux trois ans après, et leur mariage donne naissance à la dynastie de Rieux-Rochefort. Ceux-ci règnent jusqu’en 1548, date à laquelle le nom s’éteint, comme avant celui des Rochefort, faute d’héritier mâle direct. Ce sont des siècles tourmentés comme la France l’a été pendant cette période de l’histoire. Le conflit, qui oppose le duché de Bretagne au royaume de France, depuis plus de vingt ans, voit la défaite de la coalition bretonne à Saint- Aubin- du- Cormier en 1488. Ce sera la raison de la première destruction du château de Rochefort car Jean IV, comte de Rochefort, futur tuteur d’Anne de Bretagne, est un farouche indépendantiste. Charles VIII ne lui pardonne pas son ralliement et ordonne la destruction de son château : une première qui sera suivie de deux autres. Les effets collatéraux des guerres de religion, qui ont ravagé le pays pendant 40 ans, provoqueront sa seconde destruction en 1594. Reconstruit encore une fois, le château sera à nouveau détruit en 1793, par les républicains qui ne voulaient pas s’épuiser à le défendre contre les chouans.
Un regard sur la famille des De Larlan
De 1790 à aujourd’hui
Rochefort est érigée en commune en 1790. Elle devient chef lieu de canton et de district la même année. Sur le plan religieux, la collégiale devient église paroissiale, car le collège des chanoines ne résiste pas à la Révolution. La cité est toujours connue sous le nom de Rochefort. Pendant une courte période, elle est dénommée La Roche-des-trois, en mémoire de la mort de trois patriotes, abattus lors de l’attaque du château en 1793. Elle s’appellera Rochefort-des-Trois à partir de 1801. La commune ne prendra son nom définitif qu’à la fin du XIXe siècle, en 1892, afin de se différencier des autres Rochefort de France.
Un village d’artisans devenu une cité touristique de premier plan.
Le village connait un succès d’estime à la fin du XIXième et début du XXième, qui ne laisse pourtant pas présager de la notoriété touristique qui est aujourd’hui la sienne.
L’acte fondateur du renouveau de Rochefort est la signature de l’achat du château par Alfred Partridge Klots, le 07 juin 1907. Cet américain, né à Saint- Germain- En- Laye, est issu d’une famille qui a fait fortune dans le commerce de la soie. Plus attiré par les arts que par le commerce, il étudie la peinture aux Etats-Unis ou ses parents sont retournés lorsqu’il avait 5 ans. Le village est déjà connu des peintres, et c’est naturellement qu’il y séjourne en 1903. Il tombe sous le charme de la cité et décide d’en racheter le château. Mais de ce dernier, il ne reste que les écuries, qui sont devenues l’habitation du dernier propriétaire. Cela n’empêche par Alfred Klots de le racheter et de le rénover. A partir d’éléments architecturaux pris ici et là, mais surtout du château de kéralio, du XVIième, qui a la particularité d’être à l’état d’abandon et proche de Rochefort-en-Terre, il met une dizaine d’années à se construire un château tel qu’il en rêvait. L’implication d’Alfred Klots dans le village ne se résume pas aux limites de sa nouvelle propriété. Désireux d’accroitre la notoriété d’un village, déjà connu des peintres qui y séjournent de plus en plus fréquemment et prennent pension à l’hôtel le Cadre, il crée un concours des façades et fenêtres fleuries. Un siècle plus tard, la commune de Rochefort-en-Terre est toujours reconnue pour la mise en valeur de son patrimoine par ce fleurissement.
le village en 1935
Le village, qu’Alfred Klots a connu, a considérablement changé : pas sur le plan architectural, car le village fait l’objet de mesures de protection de ses maisons et bâtiments classés ou inscrits aux monuments historiques. Mais l’artisanat qui a fait la prospérité de Rochefort au XIX siècle n’existe plus : tisserands, tanneurs, potiers ou ardoisiers ont laissé place à des activités plus commerciales et directement liées au tourisme.
Ses différents labels (Plus Beau Village de France, Petite Cité de Caractère, Village 4 fleurs), et récemment sa désignation de village préféré des Français, en font une commune à part au sein de cette terre de Bretagne. Si elle n’est plus la puissante seigneurie des Rochefort, il est plaisant d’imaginer qu’ils seraient sans doute fiers de ce qu’elle est aujourd’hui.